L’Amérique de Joe Biden engrange des records au-delà des espérances les plus folles, qu’il s’agisse des plans de relance réalisés et proposés, des résultats d’entreprises, du retour à l’emploi, du niveau de soutien de la Fed…
Quelques illustrations. AMAZON, un des grands gagnants des confinements de l’année 2020, a triplé son bénéfice net au premier trimestre 2021, excédant toutes les attentes, alors même que les Etats-Unis ont réduit les restrictions appliquées dans le pays. Confinement ou pas, AMAZON prospère.
Les autres grands de la technologie ne sont pas en reste : bénéfices nets en hausse de 163 % pour ALPHABET (maisons mère de GOOGLE), 110 % pour APPLE, 94 % pour FACEBOOK et 44 % pour MICROSOFT. Et ce n’est pas un rebond : l’année dernière avait déjà mirifique pour eux.
Pour une (petite) part, ces profits ne servent pas qu’aux actionnaires. Ainsi AMAZON, sous pression politique certes, a décidé de relever le salaire de 500 000 de ses employés parmi les moins bien rémunérés. A plus large échelle, le revenu disponible des ménages, grâce aux chèques envoyés par l’administration Biden, a bondi de 21% en mars, du jamais vu.
Au niveau fédéral, les plans de soutien et d’investissement soutenus par Joe Biden se situent au-delà de ce qui était connu : après deux plans de soutien déjà larges votés sous D. Trump, Biden à peine arrivé au pouvoir a ajouté 1 900 milliards de dollars de stimulus dans le cadre du American Rescue Plan. Non content de ces mesures, il propose maintenant d’ajouter les plans American Jobs et American Families pesant près de 4 000 milliards de dollars à eux deux, touchant les infrastructures, l’organisation des soins, les familles en difficulté, l’éducation…
Est-ce au-delà du raisonnable ? Larry Summers, économiste influent aux Etats-Unis, proche pourtant des Démocrates, craint une surchauffe. Mais, à ce stade du moins, le marché ne le craint pas. Les taux d’intérêt sont calmes ces dernières semaines.
Est-ce au-delà du politiquement possible ? Les deux nouveaux plans en cours de discussion attirent contre eux les Républicains et occasionnent des débats y compris au sein des Démocrates les plus modérés. Mais combien de Démocrates oseront finalement se dresser contre des plans de soutien qui commenceront à prendre effet avant les élections de mi-mandat ?
L’Amérique actuelle est donc, comme elle le fut souvent au cours de son histoire, et malgré toutes ses failles, au-delà de ce qu’on pouvait imaginer en termes d’énergie. Y compris dans la remise en question d’elle-même : les plans à venir de Biden prévoient une substantielle augmentation des impôts sur les plus riches et les entreprises, à l’encontre du dumping fiscal qu’elle pratique depuis des décennies.
Pourtant, même dans cet au-delà, les marchés ne montent jusqu’au ciel. L’accumulation de bonnes nouvelles est telle que, couplée à des craintes de relèvements de la fiscalité et d’inflation, les marchés ont à peine progressé pendant cette semaine de records. Les marchés sont saturés de prospérité, et vaguement anxieux de ses conséquences. Ils digèrent l’abondance. Mais le fait même que les marchés ne flambent pas, sur les actions comme sur les taux, est bon signe : cela signifie qu’ils ne sont pas dans une phase d’exubérance irrationnelle, mais d’optimisme rationnel. A court terme, c’est peut-être frustrant. Mais pour l’au-delà, c’est rassurant.
Par Olivier de Berranger, CIO, et Alexis Bienvenu, Fund Manager