BCE: Un nécessaire changement d’état d’esprit

08.02.2022 14:00 - La Financière de l'Echiquier

Le tournant restrictif de la Réserve fédérale américaine est aujourd’hui bien connu de tous. Celui de la Banque d’Angleterre continue de s’accentuer, avec une nouvelle hausse de 0,25% de son principal taux directeur. Près de la moitié des membres de son comité de politique monétaire avaient voté en faveur d’une double hausse de taux (+0,50%), sous-entendant que la banque centrale était en retard dans son rythme de normalisation.

Jusqu’ici, la Banque centrale européenne (BCE) était restée nettement plus accommodante. On n’attendait d’ailleurs que peu de chose de sa dernière réunion. Mais comme souvent, lorsque l’on n’attend rien d’une réunion de banque centrale, il y a finalement beaucoup à en dire. Alors que le communiqué initial réservait peu de surprise, la session de questions/réponses a surpris par son ton bien plus hawkish que prévu. Tout en confirmant que le scénario central restait celui d’une inflation qui se modérerait d’ici la fin de l’année, Christine Lagarde a abandonné le terme de « transitoire », souligné l’augmentation des risques sur l’inflation, une inflation qui pourrait rester plus élevée que prévu à court terme et d’ici la fin de l’année. La patronne de la BCE, qui a également insisté sur la robustesse du marché de l’emploi en zone euro, s’est exprimée sur la récente augmentation des primes de risque obligataires, n’estimant pas leur hausse récente très significative. Enfin, elle a reporté beaucoup de sujets à la réunion de mars, qui devrait être riche en annonces. Enfin, la présidente de la BCE n’est pas revenue sur son affirmation selon laquelle il était hautement improbable de voir une hausse des taux cette année.

Ainsi, s’il n’y a guère de nouveautés sur le plan des annonces, le changement de ton est, lui, notable. Il traduit une volonté de préparer les esprits à une politique monétaire moins accommodante à l’avenir. Pris par surprise, les marchés ont baissé à l’issue de cette réunion. Pour autant, ce tournant restrictif n’a rien de négatif fondamentalement. C’eût été bien plus inquiétant si la BCE s’était enfermée dans un discours trop complaisant, niant la réalité des tensions inflationnistes. Ce constat est valable pour l’ensemble des banques centrales. Il faut garder à l’esprit que les politiques très accommodantes en place depuis plus de 10 ans – à part un hiatus en 2018 – avaient pour but de soutenir l’économie et de garantir le bon fonctionnement du système financier et des marchés, mais aussi de relancer l’inflation. Celle-ci étant nettement repartie en raison de la pandémie de Covid-19, qui plus est dans un contexte de croissance élevée, il est parfaitement logique que les banques centrales reviennent à leur rôle fondamental : assurer la stabilité des prix et agir pour éviter un emballement de l’inflation.

Ce sont les investisseurs qui, dorénavant, vont devoir adapter leur manière d’appréhender l’économie et les marchés. Voir le cours d’actions d’entreprises peu profitables s’envoler parce que l’excès de liquidités permet de spéculer sur des bénéfices élevés dans un futur plus ou moins lointain est probablement révolu, pour quelques temps du moins. Voir les marchés actions ne progresser que grâce à l’expansion des multiples de valorisation ne sera plus la norme. Voir des primes de risques obligataires s’écraser sans amélioration notable de la qualité de crédit, non plus. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille adopter un scénario noir sur les marchés actions ou délaisser totalement les valeurs de croissance. La semaine dernière l’a démontré : les bonnes performances d’Alphabet et d’Amazon, après d’excellentes publications de résultats, attestent que même dans cet environnement monétaire moins favorable, il n’y a aucune raison de voir les cours de Bourse ne pas suivre lorsque les entreprises tiennent la cadence. La fin de ‘’ l’argent facile’’ ne signifie pas la fin de la performance.

Rédaction achevée le 04.02.2022 par Olivier de Berranger, CIO, LFDE