Au cœur de l’été, la nouvelle est tombée comme un coup de massue. Les conclusions du sixième rapport d’évaluation du GIEC[1], bien moins agréables que le dernier roman de l’été, sont sans appel : le réchauffement de la planète est encore plus rapide et plus fort qu’on ne le craignait, menaçant l’humanité de désastres sans précédent. Pas vraiment de quoi se réjouir alors qu’au même moment, à plusieurs endroits sur le globe, des milliers de personnes affrontaient des évènements climatiques extrêmes : sécheresses, inondations, incendies, dômes de chaleur…
Quand les risques physiques se matérialisent
Ces conséquences du changement climatique, qui se matérialisent par des événements extrêmes, sont des risques physiques. Longtemps négligés car considérés comme lointains et peu probables, ils nous rappellent à l’ordre en venant frapper à notre porte. Dans des pays riches comme déshérités, sous des latitudes et des climats différents, de la Sibérie à la Belgique ou à l’Allemagne, en passant par la Grèce et la Louisiane, ils n’épargnent personne. Leurs conséquences sociales, environnementales et économiques sont désastreuses et ce sont bien souvent les plus démunis qui en payent le plus lourd tribut, creusant encore les inégalités entre les territoires.
Impacts en chaînes
Avec la montée en puissance de ces risques, les entreprises doivent faire face à de nouvelles pressions, qu’elles sont encore trop peu nombreuses à anticiper. Ils ont des répercussions financières directes – dommages aux actifs de l’entreprise – et indirectes, découlant par exemple de la perturbation de leur chaîne d’approvisionnement. Ils ont alors un impact significatif sur la performance financière des organisations, affectant à bien des égards la bonne conduite de leurs activités. En avril 2021, un important épisode de sécheresse à Taïwan a par exemple fortement mis en tension l’industrie des semi-conducteurs, dont la production est très gourmande en eau, engendrant des décalages dans les carnets de commandes jusqu’en 2023 de cette industrie hautement stratégique[2].
Une préoccupation tant pour les entreprises que les investisseurs
Les événements climatiques extrêmes de cet été et leurs impacts participeront-ils à la prise de conscience des dirigeants politiques et des populations ? L’avenir nous le dira. En tant qu’investisseur responsable, nous n’avons pas attendu cet électrochoc pour nous en préoccuper et chercher comment protéger l’épargne de nos clients. Les entreprises dans lesquelles nous choisissons d’investir travaillent également à la protection de leurs activités. Identifier, évaluer, quantifier, communiquer et agir sont les étapes de notre cheminement commun. L’exercice est délicat tant les données disponibles sont encore peu matures, mais la mobilisation est croissante. En 2018, 58% des entreprises du CAC 40 mentionnaient explicitement les risques physiques dans leurs rapports[3]. Reconnaître l’enjeu est un bon point de départ. Certaines entreprises à l’image de MICHELIN, AIR LIQUIDE ou encore KINGSPAN vont encore plus loin en engageant des actions concrètes pour réduire leur vulnérabilité, comme la mise en place de plans de continuité de l’activité, la réalisation de travaux pour protéger leurs actifs exposés ou encore la diversification de leurs sources d’approvisionnement.
Dans le cadre de notre stratégie dédiée au climat, nous nous efforçons d’évaluer et de piloter l’exposition de nos investissements aux risques climatiques, notamment physiques. Nous nous assurons que les entreprises les plus exposées déploient une stratégie pour réduire leur vulnérabilité et nous engageons auprès de celles qui commencent à s’approprier ces sujets. Le dialogue et l'engagement climatique sont à nos yeux cruciaux pour relever les défis environnementaux.
Par Coline Pavot, Responsable de la recherche IR, LFDE
[1] Climat Change 2021 - The Physical Science Basis, IPCC, 2021
[2] Le Figaro, 21.04.2021
[3] Quelle place pour les risques physiques dans le reporting des entreprises ? Analyse du CAC 40, Carbone 4, 2019